CONFÉRENCES SUR L’ÉVANGÉLISATION AU COMITÉ EXÉCUTIF DE L’EUD À LYON (FRANCE)
Berne, Suisse, 12 novembre 2019 | P. Torres, C. Cozzi. Photos C.Cozzi / EUD-News / BIA-ANN
L’Europe est un continent post-moderne laïque, presque à l’épreuve des religions, ou c’est ce que l’on pourrait croire de l’extérieur. La preuve est que de nombreuses confessions chrétiennes luttent pour garder les fidèles à l’Église. Ce scénario a amené le Comité exécutif de la Région intereuropéenne de l’Église adventiste du septième jour (EUD) à réfléchir sérieusement sur la croissance de l’Église lors de sa réunion annuelle à Lyon, France
Afin de donner de précieux conseils et de brillantes idées à tous les participants de cette réunion annuelle représentant toutes les Unions de son territoire, les responsables de l’EUD ont fait appel à des spécialistes en la matière. Les deux principaux conférenciers étaient le pasteur Wayne Krause, (ci-dessous) de la région du Pacifique Sud, où il est directeur des programmes d’implantation des églises, de formation de disciples et de mission dans les villes ; et Jon Paulien, (à gauche) ancien doyen de l’école de religion de l’Université Loma Linda, en Californie.
Le défi sur le vieux continent n’est pas nouveau, il correspond simplement à une transition des paradigmes sociaux, selon les intervenants. La question principale pour l’Église est de rattraper le retard par rapport à la société qui évolue rapidement.
« Avec qui vous sentez-vous mieux en partageant l’évangile : Chrétiens d’autres confessions ou laïcs qui ne s’intéressent pas à Dieu, » interpella Dr Krause à son auditoire, se basant sur la situation de l’apôtre Pierre lorsque Dieu lui demanda de visiter Corneille. Les disciples devaient abattre la barrière mentale qui existait entre les circoncis et les « païens » (cf. Actes 10).
L’un des faits sociétaux, est la perte progressive d’intérêt pour les Églises, la religion ou la Bible. Cette criante diminution impacte les méthodes traditionnelles adventistes pour faire connaître Dieu ; il en va de même pour les baptêmes et les conversions.
« Il existe une grande différence entre enseigner une doctrine précise à quelqu’un qui est déjà croyant et prêcher l’Evangile à un peuple [entièrement] non-croyant et séculier, » poursuit le Dr Krause. « Aujourd’hui, dans les contemporains ne font pas la différence entre l’étude de la Bible et celle du Coran », a-t-il ajouté.
La préoccupation première aujourd’hui consiste à former des disciples au lieu de se satisfaire simplement d’enseigner ou de partager des connaissances bibliques. Cette action, appelée discipulat ou faire des disciples, implique non seulement la transmission d’un message, mais aussi la décision de rester, de passer du temps et de vivre avec les gens, comme Jésus l’a fait.
Le Dr Krause s’est intéressé à mieux équiper les laïcs qui font des disciples, car pour un « adventiste contemporain », leur mode d’évangélisation n’est pas si efficace. » « Ne critiquez pas la méthode d’évangélisation des laïcs », a-t-il ajouté. « C’est juste une façon différente de prêcher l’Evangile. »
Un des moyens pour détecter le niveau d’intérêt (venant de l’extérieur) pour votre église consiste à vous poser la question suivante : « Si mon église ferme aujourd’hui, est-ce que les voisins les plus proches et l’ensemble du quartier le remarqueront ? L’église leur manquera-t-elle ? » a souligné le Dr Paulien. Le point-clé de son approche, est d’entretenir un lien avec les membres d’église, non seulement le jour du Sabbat, mais tout le temps. Sinon, l’Église risque de devenir un club social et sélectif.
Le danger potentiel qui guette nos églises est la banalité ou l’automatisme. En effet, agir sans réfléchir, serait tout aussi ignorer nos voisins que faire preuve d’indifférence envers ceux qui sont dans le besoin dans notre environnement. La situation de l’Église serait si grave, peut-être involontairement, mais tout de même existant dans le rapport aux autres. Le corps des croyants n’a pas à donner une image de supériorité à ceux qui les entourent, et les regardent ; [au contraire, tous sommes] serviteurs. Et, cela devrait se refléter dans la manière de tendre la main. « Il existe une énorme différence entre les besoins réels qui se vivent tout autour de nous, et les besoins d’évangile », explique le Dr Paulien. « Le besoin de l’évangile est réel, mais les gens n’en sont pas conscients ; alors, il nous incombe de cibler ce manque pour ensuite le présenter à Dieu. »
« Dans la mesure où nous ne sommes PAS qu’un organisme reconnu par l’état et inconnu du grand public, l’action de bienfaisance que nous proposons est mal perçue. Ceux qui bénéficient de notre secours se sentent rabaissés. Afin d’éviter cela, il vaut mieux aider pendant qu’ils coopèrent avec nous dans le service envers d’autres personnes dans différents domaines », a commenté le Dr Krause. Le ministère auprès des personnes dans le besoin, se passe d’étalage de quelque nature que ce soit -comme la distribution de nourriture dans des boîtes ou des sacs avec les logos de l’église- car cela renvoie une image négative à ces bénéficiaires aux yeux de leurs voisins. « Une telle attitude montre le manque de tact de notre part, et mine l’estime de soi des personnes aidées, publiquement », insiste le Dr Paulien.
Le Dr Krause a présenté une idée très intéressante dont on pourrait s’inspirer. Il explique que : « Nous existons pour ceux qui ne sont pas encore là. » En comprenant la raison d’être de l’Église, les croyants trouveront, en même temps, la motivation première pour agir et changer la manière de vivre l’Évangile.
Un des dangers d’un changement radical dans cette façon de vivre l’adventisme est la critique interne, parmi nous. « Nous ne portons pas de jugements négatifs sur les autres confessions, donc ne le faisons pas à la nôtre non plus », a souligné le Dr Krause. Persister dans une telle voie mutuelle et réciproque ne serait que néfaste, stérile et improductif. Que cela cesse dans nos rapports les uns avec les autres, selon l’idée sous-jacente de la présentation.
Le Dr Paulien poursuit en montrant les différentes étapes d’évolution de la société. En premier lieu, le pré-modernisme cherchait à influencer les groupes en insistant sur la vérité qui faisait autorité. Ainsi, des grands groupes religieux traditionnels ont été séduits par l’autoritarisme. En conséquence, ce courant de pensée religieux basé sur le « modernisme chrétien », cherchait la vérité dans la Bible, considérée comme la source supposée de l’autorité. « La majorité des adventistes entre dans cette catégorie », explique le Dr Paulien.
Mais la société a évolué et de nombreuses confessions religieuses différentes ont vu le jour. Ces dernières se défendent comme étant des religions fondées sur la Bible. Aussi, on voit apparaître la perspective analytique, qui cède alors le pas au « modernisme séculier » -ne se fiant qu’aux preuves et, par conséquent, à la science. De plus, selon la méthode scientifique, toute théorie est sujette à révision et modification, de sorte que « la science n’est plus noir et blanc », a-t-il ajouté. Tout ce manque de références sociales a poussé la société vers le paradigme d’aujourd’hui -le « post-modernisme séculier » – dans lequel existe encore le besoin inhérent de confiance et de foi en quelque chose. Selon le Dr Paulien, cette société nouvelle et actuelle cherche « la vérité dans les relations et les histoires ». Les histoires racontées à Hollywood façonnent les esprits et les personnages du monde d’aujourd’hui. »
La question soulevée : « Pouvons-nous trouver Dieu dans une société post-moderne ? Oui, bien sûr ! » Le Dr Paulien a ajouté : « Dieu continue à travailler dans n’importe quelle société. » La façon la plus adaptée de partager la bonne nouvelle dans ce contexte est d’être humble, authentique et honnête face aux échecs, de donner un modèle d’identité et un sens à la vie. « La population postmoderne a besoin d’une communauté à laquelle [elle peut] appartenir, mais elle doit être inclusive, prête à écouter, [des interlocuteurs] spirituellement tolérants dotés d’un esprit ouvert et critique [qui fait face à l’esprit opposé] ».
« L’Église a besoin de dire la vérité, tout comme l’Histoire », a-t-il insisté. « L’Église est appelée à changer le monde. » Pour y parvenir, des mesures s’imposent. Elle doit absolument revisiter ses méthodes de présentation. Aller de l’avant avec la société, est l’affaire de chaque membre appelé à adapter sa communication des vérités éternelles à une société en totale implication dans le postmodernisme. Les canaux de transmission sont pléthores. Il nous revient en tant que membres d’adapter la manière de communiquer les vérités éternelles aujourd’hui. C’est un défi ! Les postmodernes doivent être mis en contact avec les vérités par des canaux actuels familiers à leur vie quotidienne ; à nous de les utiliser pour ce faire.