7 Décembre 2019 | Silver Spring, Maryland, États-Unis | Bettina Krause, Melissa Reid et Dan Weber / Adventist Review / (STEWART.house.gov) / DIA
Fut un temps, il n’y a pas si longtemps, où l’idée de liberté religieuse était considérée par presque tout le monde dans la société comme une bonne chose, digne de faire l’objet d’une protection juridique. Mais aujourd’hui, cet idéal – reconnu depuis longtemps comme un droit humain fondamental et une valeur centrale de la république américaine – se retrouve marqué par la controverse.
En fait, en l’espace de deux décennies, la liberté religieuse, une idée qui était parmi les plus unificatrices du discours public américain, est devenue l’une des plus polarisantes. Dans des articles d’opinion à l’échelle nationale, les protections juridiques de la liberté de religion sont désormais qualifiées « d’épée pour établir une discrimination à l’égard des autres » ou « de dépassées et inutiles » dans la société pluraliste d’aujourd’hui. Et pour ceux qui observent les tendances en matière de liberté religieuse ou qui appartiennent à une minorité religieuse, ce changement sismique dans les attitudes du public est à la fois indubitable et inquiétant.
Il ne faut pas longtemps pour localiser les lignes de front de cette guerre culturelle de plus en plus vive. C’est un différend qui tourne en grande partie autour de l’interaction entre les protections dont jouissent la liberté religieuse et les droits civils des LGBT. De plus en plus, les personnes qui appartiennent à un mouvement religieux et qui défendent une vision biblique et traditionnelle du mariage et des relations humaines sont considérées comme intolérantes ou fanatiques.
Mais ce problème va au-delà des simples perceptions et étiquettes négatives. Des défis réels et importants nous attendent car, à mesure que le tissu social évolue, inévitablement l’évolution se retrouve également dans les domaines politique et juridique. Cette réalité soulève un certain nombre de préoccupations importantes pour les personnes appartenant à une dénomination et aussi pour les confessions religieuses qui cherchent à gérer des églises, des écoles et d’autres institutions tout en demeurant fidèles à leur objectif et à leur mission.
Une approche déséquilibrée
Pour les défenseurs de la liberté religieuse, ces questions ont récemment revêtu un nouveau sentiment d’urgence. En mars 2019, en grande pompe et à une large majorité, la Chambre des Représentants des États-Unis a adopté une loi appelée Equality Act (Loi sur l’Égalité). Pour ceux qui se soucient de la liberté religieuse, c’était un coup de semonce. Bien qu’il soit peu probable que l’Equality Act passe le Sénat au cours de la rencontre du congrès, l’importance de son adoption à la Chambre des Représentants – et l’appui massif du public qu’elle a suscité – ne doit pas être prise à la légère.
Pourquoi était-ce si important ? Pour la toute première fois, une loi fédérale a été votée par la Chambre des Représentants élargissant considérablement les protections civiles pour les personnes LGBT mais sans inclure également les protections correspondantes pour les organisations religieuses et les personnes appartenant à une confession. En fait, non seulement ces protections de base manquaient, mais la loi sur l’égalité est allée encore plus loin et a coupé les appels à d’autres lois fédérales protégeant la liberté religieuse.
La loi sur l’égalité n’est pas mauvaise dans ce qu’elle cherche à faire – c’est-à-dire, prévenir le harcèlement et la discrimination envers ceux qui sont confrontés à l’hostilité dans de nombreux domaines de la vie civique aujourd’hui. Mais la loi sur l’égalité a tort dans ce qu’elle ne fait pas – reconnaître et protéger le droit fondamental de la conscience religieuse et du libre exercice de la religion.
Si une législation fédérale de ce type devenait loi, que signifierait-elle pour l’Église adventiste du septième jour et ses nombreuses institutions aux États-Unis ? Qu’est-ce que cela signifierait pour les autres groupes confessionnels et pour les individus dont les convictions religieuses les obligent à rejeter les normes sociales actuelles concernant l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle ?
Il ne fait aucun doute qu’une telle législation, si elle était adoptée, ne laisserait, par sa conception même, que très peu de protection à ceux dont les croyances religieuses ne sont pas en phase avec les attitudes sociales actuelles. Cela aurait, par exemple, un impact sur la capacité des institutions religieuses à prendre des décisions d’embauche qui tiennent compte des croyances religieuses des candidats. Cela pourrait conduire le gouvernement ou les organismes professionnels à refuser l’accréditation aux écoles et organisations religieuses. Cela pourrait gêner l’église dans sa capacité à exécuter des programmes de services communautaires ou mettre en danger ses institutions d’intervention en cas de catastrophe.
Le nombre de litiges qui surgiraient inévitablement pour résoudre ces problèmes serait important, ce serait coûteux, perturbateur et destructeur.
Un faux choix
Regardez les informations sur le câble ou parcourez votre flux de réseaux sociaux et vous serez peut-être pardonné d’avoir pensé que la guerre culturelle autour des droits des LGBT et de la liberté religieuse est un conflit où un seul gagne proportionnellement à ce que l’autre perd. Ces voix appelant à une approche où « le gagnant emporte tout » sont à la fois énergiques et stridentes – et pourtant elles se trompent.
Nous n’avons pas à choisir entre la protection de la liberté religieuse et la protection égale des droits civiques pour tous dans l’espace public. En fait, nos croyances et nos valeurs en tant qu’église suggèrent que ces deux grands objectifs ne sont pas contraires mais complémentaires.
Oui, notre attachement à la liberté religieuse signifie que nous continuerons à affirmer sans équivoque notre droit d’exprimer notre foi et d’administrer nos églises et nos institutions conformément à nos valeurs et croyances bibliques – y compris nos croyances sur les relations humaines. Nous continuerons également de défendre les droits des membres d’église individuels à obéir à leur conscience en tant qu’employés et chefs d’entreprise.
Pourtant, dans le même temps, ne devrions-nous pas également affirmer le droit de toute personne à être traitée avec dignité et à bénéficier d’une protection juridique dans leur emploi, le logement, le crédit et de nombreux autres domaines de la vie, que nous soyons d’accord ou pas avec ses choix ou ses convictions ? Les adventistes savent que chaque être humain est créé à l’image de Dieu et mérite d’être traité avec compassion, dignité et respect. Cela aussi est au cœur de ce que signifie être un disciple du Christ.
Justice pour tous
Au cours des quelques dernières années, des adventistes du septième jour, défenseurs de la liberté religieuse, venant de la Conférence Générale des adventistes du septième jour et de la Division Nord-Américaine, ont travaillé avec d’autres groupes pour rédiger un projet de loi fédéral unique. La Loi sur la Justice pour Tous, qui a été présentée à la Chambre des Représentants des États-Unis le 6 décembre, est une proposition de loi qui rejette l’approche dure et polarisée qui a longtemps dominé le débat public sur ces questions.
Le projet de loi Justice pour Tous établit de solides protections pour les groupes religieux et les individus appartenant à une confession. Dans cette optique, les organisations religieuses continueraient d’être en mesure de maintenir des règlements internes et de prendre des décisions d’embauche qui reflètent leurs croyances. De plus, ils ne seraient pas punis par le gouvernement – à travers la perte du statut d’exonération fiscale ou de l’accréditation, par exemple – pour leurs croyances sur l’orientation sexuelle et l’identité sexuelle. Ils ne pourront pas non plus mener des actions discriminatoires simplement en raison de ces croyances.
En général dans le milieu professionnel, les croyances religieuses des employés sont respectées par les employeurs à moins que celles-ci ne génèrent « des difficultés ou des dépenses importantes » pour l’employeur. Pour les adventistes et autres membres de confessions religieuses, cela offrirait également une protection plus solide pour les arrangements relatifs au sabbat que celle qui existe actuellement au niveau fédéral.
Dans le même temps, la législation étend les protections nécessaires des droits civils aux personnes LGBT et reconnaît qu’elles ne devraient jamais faire l’objet de discrimination ou de harcèlement dans les domaines de l’emploi, du logement ou de nombreuses autres domaines communément protégés – protections qui font actuellement défaut dans 29 états.
La Justice pour Tous dit, en substance, qu’il existe une possibilité d’aller de l’avant, claire et fondée sur des principes, à travers ce paysage culturel et juridique difficile.
Ce que la Justice pour Tous ne fait pas, cependant, c’est de signaler un changement de mentalité de l’église en ce qui concerne les questions d’orientation sexuelle ou d’identité sexuelle. En effet, s’il y avait une intention de le faire, il ne serait pas nécessaire de chercher à préserver le droit légal d’agir à partir de ces croyances et d’administrer nos écoles et institutions en conséquence.
Les croyances de l’Église adventiste sur la sexualité humaine sont sans équivoque et sont clairement exprimées dans diverses déclarations et directives concernant le mariage, l’orientation sexuelle , et l’identité sexuelle.
Dans toutes ces déclarations, il y a un fil conducteur de compassion et d’amour ; une affirmation indiquant que « toute personne, quelle que soit son orientation sexuelle, est aimée de Dieu, » et que les adventistes ne « toléreront jamais de singulariser un groupe pour le soumettre au mépris et à la dérision, et encore moins à la maltraitance. »
Ce double message – défendre à la fois la liberté religieuse et la dignité humaine – est au cœur de la législation sur la Justice pour Tous.
Aller de l’avant
Pour beaucoup, ce n’est pas un sujet facile. Le discours public autour de ces questions baigne dans une rhétorique induite par la douleur et remplie de peur. Cependant, malgré ce contexte de colère et d’amertume, nous prions pour que les adventistes du septième jour parlent hardiment avec une voix caractérisée par la raison et la bonté – une voix qui fait écho à la compassion aimante et douce de notre Sauveur, qui parle à la fois en faveur de la place centrale qu’a la liberté religieuse dans notre société et de la valeur et de la dignité inhérentes à chaque enfant de Dieu.
QU’EST-CE QUE LA JUSTICE POUR TOUS ?
La Justice pour Tous protège à la fois les institutions religieuses et les membres de dénominations des démarches visant à les forcer à violer leur conscience dans les domaines de l’orientation sexuelle et de l’identité sexuelle. Alors que le projet de loi lui-même compte près de 70 pages, les principales protections de la liberté religieuse qui y sont incluses peuvent être présentées comme suit :
- Protéger l’éducation religieuse
- L’accréditation ne peut être refusée aux écoles parce qu’elles respectent les normes bibliques.
- Peut maintenir des règlements en matière d’hébergement basés sur des principes religieux.
- Ne peuvent pas être pénalisés par le gouvernement fédéral ou celui de l’état s’ils dispensent un enseignement selon leur mission religieuse.
- Protéger les employeurs appartenant à une religion – les institutions peuvent maintenir des normes dans le domaine de l’emploi
- Les employeurs confessionnels, y compris les écoles, peuvent continuer d’exiger de leurs employés qu’ils maintiennent et respectent les positions et les pratiques religieuses de l’institution.
- Protège les employés membres d’une religion – adopte la Loi sur la Liberté religieuse sur le lieu de travail
- Les personnes appartenant à une dénomination qui ont besoin d’aménagements sur le lieu de travail (comme le fait de ne pas travailler le sabbat) bénéficient des mêmes protections légales que les personnes handicapées. Actuellement, la loi permet aux employeurs de discriminer s’il faut davantage qu’un coût minimal pour proposer des aménagements.
- Protège sur le lieu de travail les employés qui expriment des opinions sur le mariage et d’autres sujets religions.
- Protéger les lieux de culte et autres espaces religieux
- On ne peut exiger des lieux de culte et autres espaces appartenant à des groupes religieux, qu’ils louent ou partagent leurs locaux à des fins qui violent leurs croyances.
- Protéger les petites entreprises appartenant à des personnes membres de dénominations
- Permet aux propriétaires de petites entreprises (moins de 15 employés) de continuer à gagner leur vie sans être obligés d’offrir des services qui violent leurs croyances religieuses.
- Protéger les établissements sanitaires
- Les prestataires de soins de santé ne seront pas tenus de fournir et / ou d’exécuter des procédures médicales qui violent leurs croyances. Cependant, ils devront toujours traiter tous les patients, comme ils le font actuellement, indépendamment de leur orientation sexuelle ou de leur identité sexuelle.
- Ne modifie aucune des protections actuelles entourant l’avortement pour les prestataires de soins de santé confessionnels.
- Protéger les services sociaux / les agences humanitaires
- Les agences comme ADRA et Adventist Community Services (Services Communautaires Adventistes) seront protégées contre la perte de financement parce qu’elles maintiennent des normes d’embauche ayant une base religieuse. Continuent de servir tous ceux qui sont dans le besoin, indépendamment de leur religion ou de leur pratique religieuse.
- Protéger le Statut d’Exonération Fiscale de l’ÉgliseL’administration fiscal ne peut révoquer le statut d’exonération fiscale pour les églises, les écoles et autres organisations religieuses en raison de leurs croyances et pratiques religieuses.
Traduction: Patrick Luciathe