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France: « Il est temps que les violences conjugales soient dénoncées avec clarté et sans ambiguïté »

By 17 décembre 2020No Comments

25 novembre 2020 | Evangeliques.info

Les évangéliques baptistes sont engagés dans la lutte contre les violences intra-familiales depuis 2018. L’équipe de Nicolas Farelly, pasteur et rédacteur en chef des Cahiers de l’École Pastorale leur consacre aujourd’hui un Hors-Série inédit, Violences conjugales, les identifier pour agir en Église. Sorti le 23 novembre 2020, l’ouvrage se présente comme une réflexion théologique et pratique, portée depuis plus d’un an par un groupe de travail issu du Conseil de la Fédération des Églises évangéliques baptistes de France.

À l’occasion de la journée internationale du 25 novembre pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la rédaction a interrogé Thierry Auguste, le président de la FEEBF et co-président du comité contre les violences conjugales ainsi que Valérie Poujol-Duval. La théologienne baptiste engagée dans cette lutte, a participé à la réalisation de ce Hors-Série.

Comment expliquer qu’au sein de la communauté évangélique, un tel ouvrage ne soit publié qu’en 2020 ?

Valérie Duval-Poujol : Parce que c’est un sujet tabou ! On commence à peine à en parler. Pour le coup, les églises n’ont pas été prophétiques là elle le sont sur bien d’autres sujets. Le tabou est nourri par un certain nombre de résistances dont parle très bien le pasteur et conseiller conjugal et familial Paul Éphona dans l’ouvrage.

Thierry Auguste : Le silence s’explique aussi car les violences conjugales ou intra-familiales sont tenues dans la sphère privée. Aujourd’hui la parole se libère et se démocratise en société donc les églises s’en préoccupent, alors qu’elles pensaient peut-être à tord qu’elles échappaient à ce type de violence.

Le format est très complet : une exigence de qualité face aux attentes, aux manques et au contexte actuel ?

Thierry Auguste : oui, il fallait que nous abordions ce sujet avec une forme de gravité et de profondeur. Nous avons voulu apporter des ressources et des informations à nos responsables d’églises, pasteurs et membres. À tous ceux, femmes et hommes, qui meurent sous les coups de leur conjoint ainsi qu’à ceux qui souhaitent leur porter secours. Il nous fallait aborder ce sujet dans nos églises locales pour que toutes les victimes en souffrance aujourd’hui silencieuses puissent se dire : «là, on pourra m’écouter sans me juger. »

Valérie Duval-Poujol : C’est un problème sérieux qui nécessite une exigence d’expertise sérieuse. Cette problématique ne se résoud pas d’une simple prière toute faite. Ici on parle de vie de mort, de féminicides et d’humiliations au quotidien. C’est une situation dramatique qui concerne beaucoup de victimes. Les plaintes ont d’ailleurs augmenté de plus de 30% en raison du confinement. Les chiffres confessionnels sont interdits en France mais ailleurs dans le monde, nous apprenons que les évangéliques ne sont pas mieux lotis que les autres. Les églises et pasteurs ici en France nous rapportent qu’ils accompagnent beaucoup de victimes issues de nos milieux.

La Fédération des Églises évangéliques baptistes de France (FEEBF) s’est engagée contre ce fléau de la violence faite aux femmes lors du Congrès de 2018 : quelles actions ont été initiées depuis ?

Valérie Duval-Poujol : Une brochure a vu le jour l’an dernier pour être mise à disposition des chrétiens en église, posée sur une table. On propose deux sessions de formation et de sensibilisation chaque année sur deux jours. Nous avons édité une charte d’engagement contre les violences conjugales que de plus en plus d’églises veulent adopter et officiellement signer. On souhaite également consacrer une nouvelle page à ce sujet sur le site internet de la FEEBF avec des prédications, des éléments pour animer le culte, des propositions pour les jeunes, des boîtes à outils et des éléments bibliographiques. Elle est en préparation pour mai 2021.

Thierry Auguste : Il faut savoir que ce thème invite beaucoup de personnes à nous dévoiler aujourd’hui leur souffrance passée et actuelle. Susciter cette réflexion a donné à certaines femmes le courage de parler au sein de nos églises. D’autres ne s’exprimeront que plus tard. Face à un fléau pareil, nous ne sommes pas égaux. Alors oui, l’idéal serait d’avoir à terme un numéro vert, une plateforme qui réponde aux besoins des victimes mais cela reste un projet difficile à mettre en place aujourd’hui. En revanche, nous travaillons actuellement à la préparation d’une affiche et de flyers libres de droits qui seront mis au service des victimes au sein de l’Église, proposés aux fédérations, aux pasteurs et aux victimes.

D’autres mouvements, unions ou fédérations d’églises vous rejoignent-ils dans cet engagement ? Quelles pistes de développement suggérez-vous ?

Thierry Auguste : Il a été commandé en Belgique, en Suisse et auprès de plusieurs pays africains francophones là où frapper sa femme est par certains un fait coutumier et culturel. Nous avons édité une brochure qui nous a pris plus d’un an de travail pour démontrer le sérieux avec lequel nous abordions la question. Nous voulions quelque chose d’accessible et de profond car certaines personnes ne savent ni quoi dire, ni quoi faire, ni quelle posture adopter. Nous avons reçu l’expertise d’un avocat, de personnes engagées dans des organismes sociaux et abordé le plan de la théologie biblique. Ce hors-série est un long travail, une fierté, mais nous avons voulu faire appel à des personnes de différents horizons qui avaient déjà réfléchi à ce sujet. Nous connaissons beaucoup d’aidants qui veulent servir, mais qui ne réalisent pas que certaines formes de violences existent.

Valérie Duval-Poujol : D’autres unions d’églises évangéliques ainsi que les réformés évangéliques ont commandé le hors-série. On espère que le plus grand nombre de chrétiens se l’approprient. La clé reste la formation : un outil de sensibilisation qui permet à chacun de repérer, d’identifier et d’agir. Ces féminicides ne sont pas une fatalité et pourtant, combien d’églises ne sont-elles pas témoins du décès d’une femme de leur assemblée, victime des coups de leur mari ! Il existe encore bien des histoires terribles. La formation est le levier qui permet de faire tomber les tabous. En église, il s’agit de dénoncer la violence et de déclarer que c’est inadmissible. Peu importe la diversité des églises, qu’elles soient égalitariennes ou complémentaristes, aucun verset sorti de son contexte ne doit justifier cette violence. Car la réalité est dramatique : si une femme reste, c’est que l’enseignement en église n’a pas condamné cette violence. Pensons que cela peut arriver à nos sœurs, à nos amies, nos voisines… On est tous concernés.

Le mot du pasteur et rédacteur en chef Nicolas Farelly :

«Il est grand temps que les violences familiales soient dénoncées avec clarté et sans ambiguïté, dans tous les milieux, y compris nos Églises. Je suis heureux et reconnaissant pour tout le travail accompli par le comité sur ce Hors-Série. Il vient, de fait, rejoindre pasteurs et responsables d’Églises dans des besoins auxquels ils sont confrontés, même s’ils ne le savent pas toujours ou n’en prennent pas forcément la mesure. Et en cette fin d’année 2020 particulièrement difficile sur le plan social, ce Hors-Série tombe à pic pour donner des outils de réflexion et d’action aux Églises, et ainsi accompagner au mieux femmes et enfants en souffrance dans leur milieu familial. »

En quelques chiffres :

  • France : 219 000 femmes en moyenne sont victimes de violences conjugales chaque année par leur conjoint (ou son ex), soit une femme toutes les deux minutes et demi.
  • France : les plaintes pour violences conjugales ont augmenté de 16% en un an en 2019.
  • Suisse : 135 femmes ont été tuées par leur conjoint entre 2009 et 2018, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS).
  • Monde : 1 femme sur 3 a subi des violences physiques et/ou sexuelles à un moment donné dans sa vie, le plus souvent de la part d’un partenaire intime (ONU).
  • Monde : les appels aux numéros d’urgence ont été jusque cinq fois plus nombreux dans certains pays du fait de la pandémie de Covid-19 (ONU)
  • 3919 : le numéro de téléphone pour les femmes victimes de violences

Author Pôle communications

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