1 juillet 2021 | Rickson Nobre | Adventiste Magazine
La suisse est un pays où il fait bon vivre. Depuis 11 ans. je vis ici et je n’arrête pas de n’émerveiller notamment de la nature qui est extrêmement belle dans cette région. C’est un pays qui a une population calme, réservée et travailleuse. Le système politique, administratif et économique fonctionne bien et cela donne de l’assurance aux habitants. Cela donne l’impression que nous sommes bien protégés des difficultés tellement récurrentes ailleurs dans d’autres pays.
Toutefois, cette même belle nature est venue rappeler que, même en Suisse, la vie est fragile. Un déferlement de pluie le mardi 22 juin 2021 l’a prouvé. Plusieurs régions en Suisse romande en ont été affectées. Maisons inondées, routes coupées, chemins de fer impraticables. Certaines villes ont été plus touchées que d’autres, comme notamment à Cressier, dans le canton de Neuchâtel.
Dans cette ville, un petit ruisseau tranquille qui traverse la ville, en partie en sous-sol, est devenu un torrent de boue, de cailloux, de branches d’arbres. Les maisons du centre de la vielle ville et plus bas, à côté du chemin de fer, ont été durement touchées.
Déjà le mercredi 23 juin, le responsable ADRA de mon église m’appelle pour dire qu’il faut faire quelque chose pour Cressier. Nous nous sommes aussitôt mis en relation avec ADRA Suisse pour organiser une journée d’aide humanitaire d’urgence et aller à la rencontre des familles pour les aider à déblayer leurs maisons. Pour organiser la chose, à trois reprises je visite la ville pour entrer en contact avec la commune et le réseau d’entre-aide local qui s’est organisé rapidement parmi les habitants.
Je découvre alors un scénario digne d’un film apocalyptique américain. De la boue partout, des voitures renversées et cassées à différents endroits de la ville. Des objets tels que laves-vaisselles, machines à laver, meubles et autres, sont tous détruits et désormais jonchent les rues de Cressier. On parle de 150 millions de francs suisses de dégâts. Mais le plus important des dégâts, c’est l’être humain. Ces habitants ont été durement touchés par cette réalité : finalement, même en Suisse, l’homme n’est à l’abri de rien. Dans de telles circonstances, on comprend que tout peut basculer en une heure. Le temps d’une tempête.
C’est donc le dimanche 27 juin 2021, après un appel lancé sur les réseaux d’ADRA, que des personnes venant de Genève, Delémont, Fribourg, Lausanne, Bienne et bien sûr Neuchâtel se sont données rendez-vous pour aider cette population. Près de 25 personnes, vêtues d’un t-shirt rouge ADRA, ont sillonné les rues de Cressier pour aider les familles préalablement contactées et d’autres dans le besoin qui croisaient notre route.
Au total, 7 familles ont été aidées, notamment pour enlever de la terre et de la boue de leurs logements. De la boue qui arrivait presque aux genoux par endroit. Quelle catastrophe ! Dans ces pièces boueuses, tout est perdu.
Mais dans tout cela, il y a du bon. J’ai pu constater que cette population s’est énormément rapprochée. Il s’est créé un élan d’entraide énorme avec la distribution de nourriture, de vêtements, d’eau, etc. Le moment le plus convivial fut le repas au centre du village à midi pour tous les bénévoles du village et d’ailleurs. C’est comme si une mission en commun les habitait tous : aider un maximum pour s’en sortir le plus rapidement possible. Et ils sont déterminés.
Dans cette détresse, nous avons vécu des moments touchants, comme cette dame qui me voit passer et me dit : « Monsieur, j’ai besoin d’aide. Je n’ai plus de téléphone, plus de courant électrique, pouvez-vous appeler les services pour moi ? ». « Mais, bien sûr madame », lui ai-je répondu. Des choses qui étaient toutes simples avant cette catastrophe, comme passer un appel, sont devenues une affaire compliquée.
Je me souviens aussi de cette dame qui s’est arrêtée devant un carton qui venait de lui être remis de sa cave inondée. Elle a semblé, pendant un instant, oublier tous les bruits autour, et s’est mise à regarder son album photo plein de boue. Nous avons été témoins de ses pleurs en regardant ces clichés si importants, désormais détruits. Triste réalité.
Oui, ces catastrophes nous rappellent que tout ce que l’homme a créé, au fond, reste fragile. C’est seulement ce qui se trouve à l’intérieur de nous qui reste. Et des occasions comme celles-là sont comme un clin d’œil qui nous rappelle cela.
En fait, il y a eu plus qu’un clin d’œil. À un moment donné, alors qu’une partie de l’équipe a fini une tâche, je pars à la recherche d’une nouvelle famille à aider. Je vois cette dame dépitée dans son jardin. Je lui demande si elle souhaite l’aide de notre association pour l’aider à déblayer et ranger son jardin. Elle est ravie de cette aide. Elle a subi énormément de dégâts matériels, vu que son jardin est juste à côté du ruisseau qui a éclaté. Quand elle voit arriver ces personnes en t-shirt rouge estampillé du logo ADRA, celle-ci vient me dire : « Depuis des années, j’aide ADRA avec les colis pour le projet « Noël dans un carton » qui est envoyé aux enfants en Moldavie. L’année dernière, j’ai préparé plus de 150 bonnets et écharpes pour les enfants de là-bas. Et maintenant, c’est ADRA qui vient à mon secours. Je suis touchée ».
Ce petit moment de partage avec cette dame m’a conforté dans l’idée que Dieu fait plus que de petits clins d’œil. Il vient personnellement frapper à la porte. Nous étions donc là, au bon endroit et au bon moment, nous étions les bras et les mains de Dieu pour ces personnes, comme Jésus nous le rappelle dans Matthieu 25.31-46.
Quelle belle journée d’entraide… Car oui, nous avons aussi été aidés par cette courageuse population de Cressier qui révèle ce qu’il y a de beau dans le cœur de l’être humain quand nous décidons de tendre la main à notre prochain. Et aussi parce que Dieu a pu nous utiliser au service de ses autres enfants de Cressier.
De Rickson Nobre, pasteur de l’église luso-hispanique adventiste de Neuchâtel