Le 9 avril dernier, la furieuse bête sauvage rugissante et enflammée, le volcan La Soufrière, s’est réveillée avec violence après un sommeil plutôt paisible de 40 ans. Donc, soudainement et essentiellement sans avertissement, le bruit du tonnerre a résonné sur toute mon île natale de Saint-Vincent. Des éclairs ont envahi l’atmosphère et rempli le ciel au moment où le magma bouillant, explosif et toxique s’échappait du volcan pour ruisseler jusqu’au bas de la montagne. Et comme si ce n’était pas assez, de colossales colonnes de fumée grise, noire et orangée s’élevaient du cratère, s’étalant dans le ciel pour couvrir l’île de cendre.
Pour ceux qui sont trop jeunes pour se souvenir de 1979, les spectaculaires nuages en forme de champignon se déployant dans le ciel étaient très impressionnants. Mais pour ceux qui comprenaient les implications, ils étaient plutôt précurseurs de graves dangers sanitaires, de pertes économiques, de destruction de notre écosystème et de dommages à nos maisons, nos infrastructures, notre agriculture, nos terres et nos routes. De plus, cette nouvelle éruption aggrave cruellement la situation déjà difficile d’une pandémie mondiale.
« Je m’occupais de mes animaux sur la montagne quand j’ai entendu le tonnerre. J’ai pensé qu’il allait pleuvoir, mais quand j’ai levé les yeux vers le ciel, j’ai vu de la fumée et du feu. L’irruption de 1979 m’est immédiatement venue à l’esprit. Je me suis dépêchée à rentrer au village. Quand je suis arrivée, on aurait dit un village fantôme. Bon nombre des résidents avaient déjà quitté la nuit précédente sur des bateaux que le gouvernement avait envoyés pour nous évacuer. J’avais décidé de ne pas partir à cause de mon expérience de 1979. Les gens nous avaient pillés, avaient pris nos animaux et brisé nos maisons. Je m’étais alors dit que je ne voulais plus jamais que cela m’arrive, alors je suis restée. Heureusement pour moi, j’ai pu embarquer dans un autobus scolaire qui était revenu chercher les résidents qui restaient. Je suis montée à bord avec rien de plus qu’un sac à la main, mais Dieu merci, je suis vivante pour raconter mon histoire. Dieu est bon. »
En dépit de sa confiance en la bonté de notre Dieu, il me reste un doute. Si vous aimez les paraboles, vous l’avez peut-être déjà identifiée. Je pense à celle que Jésus a racontée sur les dix filles d’honneur. Toutes les filles savaient que l’époux arrivait, tout comme les habitants de Saint-Vincent savent tous que La Soufrière ne dormira pas éternellement. Pourtant, certains d’entre nous, comme certaines de ces filles d’honneur, étaient plus prêts que d’autres quand le vrai coup de théâtre est survenu. Et bien que Dieu soit miséricordieux, ne voulant que nul d’entre nous perde la vie éternelle avec lui (2 Pierre 3.9), rien ne garantit que des bateaux viendront chercher les retardataires laissés pour compte après l’arrivée de Christ l’époux pour la fête du mariage. En fait, il n’y aura pas de tel bateau : soit nous serons pris avec lui à son arrivée, soit nous serons laissés de côté pour toujours. « Veillez donc, puisque vous ne savez pas quel jour votre Seigneur viendra. » (Matthieu 24.42)
Et cette phrase constitue un avertissement qui ne concerne pas que le temps : c’est aussi une question d’attitude. Une partie de la population de mon pays d’à peine plus de 110 000 habitants vit dans « la zone dangereuse », qu’on appelle aussi « la zone rouge ». Mon amie de Chateaubelair était réticente à partir, ce qui a sérieusement mis sa vie en danger, car elle ne peut prédire précisément les rythmes de la montagne. Connaître le moment où son horloge sonnera à nouveau serait acceptable, mais l’attention en tout temps est beaucoup plus utile.
Puis voici une autre vérité au sujet du nom des zones : si Saint-Vincent a des « zones dangereuses », cela signifie-t-il qu’elle a aussi des « zones sécuritaires » ? Si La Soufrière, qui crache de la cendre, transforme le jour en nuit jusqu’à la Barbade, à 180 kilomètres de distance, où Saint-Vincent est-elle sécuritaire, cette île sur laquelle aucune ville ni aucun village n’est situé à plus de 32 kilomètres du volcan ? Et si l’ennemi de Jésus et le nôtre, Satan, le diable, dit parcourir la terre et s’y promener (Job 1.7), « cherchant qui il dévorera » (1 Pierre 5.8), alors quel type de personnes devons-nous tous être ? Nous devons vivre dans « la sainteté de [notre] conduite et [notre] piété, tandis que [nous attendons et hâtons] l’avènement du jour de Dieu » (2 Pierre 3.11, 12).
Semble-t-il que vivre sous La Soufrière m’ait appris certaines choses.
Mineva C. Glasgow, ancienne directrice adjointe des Services d’assurances nationaux de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, est auteure et professeure universitaire adventiste du septième jour qui a servi l’Église à Saint-Vincent comme ailleurs dans les Caraïbes.
Traduction : Marie-Michèle Robitaille