Lors du synode national de l’Église protestante unie de France (EPUdF), qui s’est tenu à Sète dans l’Hérault depuis le jeudi 14 mai sur le thème « Bénir, témoins de l’Évangile dans l’accompagnement des personnes et des couples ».
Sur la centaine de délégués de l’Église protestante unie de France, 94 délégués ont voté en faveur de la bénédiction des couples homosexuels au sein de leurs deux Églises qui regroupent luthériens et réformés. Ce vote donne la possibilité aux 500 pasteurs de l’EPUdF de bénir des couples homosexuels, sans pour autant y obliger ceux des pasteurs qui sont opposés à un tel geste. Deux ans après l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, et même si le mariage n’est pas un sacrement dans le protestantisme, les couples unis en mairie peuvent juste demander à être bénis au temple de l’EPUdF.
Au sein même de l’EPUdF, née en 2012 de la fusion des Églises luthériennes et réformées, le sujet est loin de faire consensus, même si le mariage gay n’y fait pas l’objet du rejet constaté parmi les responsables catholiques et dans les mouvements évangéliques. Avant le synode, le pasteur Gilles Boucomont, vif opposant au projet, s’était inquiété de ce que «pour la première fois en France depuis 1517» (date de la Réforme initiée par Martin Luther), «une décision synodale majeure puisse être prise contre tous les textes bibliques».
Comme l’affirme le pasteur Jean-Paul Barquon, secrétaire général de l’UFA (Union des Fédérations adventistes) et du service de presse adventiste :
« Cela ne signifie pas que tous les protestants sont favorables à la pratique homosexuelle et à la célébration du mariage religieux de deux personnes du même sexe. Cela n’implique pas non plus que la Fédération protestante de France (n’étant pas une Église) incitera les 27 Unions d’Églises et les pasteurs à célébrer le mariage religieux ou la bénédiction d’accueil de personnes de même sexe sous le prétexte que l’EPUdF l’autorise pour ses pasteurs et que la Mission populaire évangélique (MPEF) autorisait jusque là un « geste liturgique d’accueil et de prière » pour les homosexuels.
La Fédération protestante de France rassemble une diversité d’Unions qui se veulent complémentaires. Cette diversité est une richesse, d’autant que les Unions d’Églises ne sont pas des clones les unes des autres. Elle implique le respect de tous même lorsque nous ne sommes pas d’accord.
Il est impossible, pour l’Église adventiste du septième jour attachée aux écrits bibliques, d’approuver ou de bénir un projet de vie de personnes de même sexe. Les pasteurs adventistes ne peuvent pas écarter le projet initial de Dieu sur l’hétérosexualité du couple en l’évacuant du premier livre de la Bible. Toutefois, ajoute Jean-Paul Barquon, cet attachement à la Sola Scriptura dont s’honore notre Église, comme toutes celles qui sont attachées aux Saintes Écritures, ne peut pas résoudre les personnes en souffrance dans la diversité d’homosexualité. Il importe toujours d’avoir une approche pastorale. Oui, il est possible de prier sur les personnes et pour toutes les personnes. Non, il n’est pas possible de demander à Dieu de soutenir des projets de vie qu’il ne peut approuver comme il le révèle dans l’Écriture. »
Dans le monde, seules cinq Églises chrétiennes, issues du protestantisme libéral, célèbrent le mariage entre personnes de même sexe. L’Église anglicane du Canada permet depuis 2004 la célébration religieuse d’un mariage civil homosexuel. L’Église anglicane, dite « épiscopalienne », des États-Unis, a adopté en 2012 une liturgie nuptiale pour les couples de même sexe. Enfin, les Églises luthériennes de Suède et du Danemark célèbrent les mariages homosexuels depuis 2009 et 2011. L’Église du Danemark, a été contrainte par un vote parlementaire impulsé par le gouvernement.
En juin 2014, l’Église presbytérienne des États-Unis a changé sa définition du mariage comme l’union de « deux personnes », et s’apprête à célébrer des unions de même sexe.
Bénédiction de personnes de même sexe
Il existe différentes attitudes à l’égard des bénédictions de couples homosexuels : les Églises qui célèbrent leur mariage, au même titre que le mariage d’un homme et d’une femme ; les Églises qui bénissent les couples de même sexe, sans célébrer de mariage ; les Églises qui ne procèdent pas à des bénédictions spécifiques pour les couples homosexuels.
De nombreuses Églises protestantes, issues du courant luthéro-réformé, procèdent à des bénédictions de couples homosexuels. En Europe, sur 20 Églises allemandes régionales, unies au sein de l’Église évangélique allemande, 13 bénissent les couples de même sexe. L’Église protestante des Pays-Bas, l’Église d’Ecosse presbytérienne, l’Église évangélique vaudoise d’Italie, font de même. Aux États-Unis et au Canada, l’Église luthérienne d’Amérique du Nord et l’Église unie du Christ (réformée) bénissent également les couples homosexuels.
Dans les Églises chrétiennes, il existe trois types d’attitudes à l’égard des bénédictions de couples homosexuels : les Églises qui célèbrent leur mariage, au même titre que le mariage d’un homme et d’une femme ; les Églises qui bénissent les couples de même sexe, sans célébrer de mariage ; les Églises qui ne procèdent pas à des bénédictions spécifiques pour les couples homosexuels.
CNEF (Conseil national des évangéliques de France)
Le Conseil national des évangéliques de France (CNEF) a jugé ce lundi « consternante » la décision de permettre la bénédiction liturgique des couples homosexuels mariés prise la veille par l’Eglise protestante unie de France (EPUdF, luthériens et réformés).
Le CNEF transmet le communiqué suivant :
« En ouvrant la possibilité de pratiquer une bénédiction liturgique des couples de même sexe, le synode de l’Église Protestante Unie a pris, le 17 mai 2015 à Sète, une décision consternante. Le Conseil national des évangéliques de France redoutait un tel choix, mais a été surpris par le vote massif des délégués synodaux en sa faveur.
Précédée par toute une réflexion sur le sens de la bénédiction, cette décision repose néanmoins sur des choix contestables. Le premier d’entre eux, c’est de confondre le souci louable d’accueillir en Église les personnes homosexuelles avec la bénédiction d’une pratique condamnée sans équivoque par la Bible. C’est ensuite de faire de la bénédiction un simple accompagnement de la volonté des personnes demandeuses au lieu d’en faire une occasion pastorale de découverte, avec elles, de la volonté de Dieu. C’est enfin de promouvoir une grâce à bon marché bien éloignée de l’Évangile de Jésus-Christ et de ses exigences en matière d’éthique de vie.
Pour toutes ces raisons, alors qu’il est interrogé par de nombreux médias, le Conseil national des évangéliques de France juge nécessaire de rappeler que tous les protestants n’approuvent pas cette décision, en particulier les protestants évangéliques qui représentent plus de 70% des pratiquants réguliers du protestantisme en France.
Pour autant, ces derniers ont le souci d’accueillir dans leurs Églises toutes les personnes, quel que soit leur arrière-plan social, culturel, religieux voire leur orientation sexuelle. Mais ils ont soin de préciser qu’accueillir ne veut pas forcément dire cautionner. En outre ils ne veulent pas simplement suivre les tendances de la société, mais exprimer, à l’exemple des premiers Réformateurs, une voix libre. Leur préoccupation est avant tout d’appeler tout homme et toute femme à se convertir à Jésus-Christ, puis de les accompagner, avec sensibilité et respect, en les aidant à vivre selon l’Évangile.
Nul doute que la décision de l’Église Protestante Unie marquera de façon négative les relations qu’elle entretient avec les protestants évangéliques et compliquera aussi les relations avec les autres Églises. »
Coordination évangélique au sein de la FPF
Le pasteur Jean-Marc Potenti pour la coordination évangélique rappelle les positions prises par la Coordination Evangélique avec les points suivants :
- Nous reconnaissons la liberté pour chaque Église d’entreprendre les réflexions de son choix. La Coordination a suivi avec intérêt les travaux de L’UEPAL et de l’EPUdF sur l’accompagnement des homosexuels chrétiens au sein de leurs Églises. En effet, la qualité des documents mis à disposition ouvre la voie à de nombreuses réflexions et offre un modèle d’annonce de « l’Évangile de libération et de grâce » auprès de personnes à orientation homosexuelle, dans le contexte plus global de l’évolution des Lois encadrant le mariage en France.
- Avec toutes les Églises de la FPF, les Églises de la Coordination se sentent concernées par le rejet et la stigmatisation à caractère homophobe que peuvent connaître encore aujourd’hui les personnes à orientation homosexuelle dans notre société, y compris, malheureusement parfois, par les membres de ses propres communautés.
- Nous affirmons que, quels que soient les conclusions et les choix de chaque Église, la démarche consiste pour chacune d’elle à mettre en cohérence autant que possible nos disciplines internes avec notre compréhension de la grâce qui nous rassemble.
- Nous affirmons aussi que chaque Église est animée du respect de l’autorité de l’Écriture telle qu’elle la conçoit, même si nos conclusions diffèrent parfois.
- La Coordination Évangélique quant à elle se retrouve dans les conclusions du document « Aimer mon prochain homosexuel », publié par la Commission d’Ethique Protestante Evangélique dont voici un extrait : « il nous semble que deux attitudes extrêmes sont à exclure, celles des Églises qui rejettent sans autres considérations les personnes homosexuelles et celles qui bénissent leur union. Pourtant, entre ces deux extrêmes, […] il existe dans l’Église un espace pour l’accueil et l’accompagnement des personnes homosexuelles.
- C’est pourquoi nous redisons notre détermination à développer et à renforcer la nécessaire écoute et l’accueil inconditionnel dans nos pratiques pastorales envers tous.
- Nous souhaitons redire notre compréhension de la grâce à travers cette parole de l’Évangile « va et ne pêche plus » rendue possible seulement mais pleinement dans la rencontre avec le Christ. Nous affirmons notre foi dans la grâce qui transforme. En effet, l’Évangile questionne nos choix de vie, notre condition humaine marquée par le péché et nous conduit tous à des prises de conscience, à des renoncements libérateurs et à des transformations vécus de manière libre, responsable et joyeuse, dans l’expérience de l’amour inconditionnel de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
- Nous réfutons l’argument selon lequel nous serons amenés tôt ou tard à suivre l’évolution de la société comme si celle-ci était synonyme de progrès et de libération. Cette affirmation nous paraît contredire toute liberté de Dieu à nous inviter à la conversion et conduire l’Église à un suivisme fade et sans saveur. Nous n’y reconnaissons pas la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu dans sa dimension libératrice.
- Nous ne cèderons pas à la crainte de l’amalgame entre les positions respectives de chaque Église et celle de la Fédération Protestants. D’une part cela équivaudrait au refus de la liberté de chaque Église à déterminer son positionnement propre. D’autre part nous savons la Fédération Protestante à travers son Président, responsable dans sa communication et respectueuse de la diversité qui la compose.
- Nous sommes reconnaissants de l’appel de la charte de la Fédération à l’interpellation réciproque et entendons bien souligner la légitimité de chaque Église à y répondre sans chercher à imposer son choix et ses positions en aucune façon. Nous encourageons chaque Église à saisir l’occasion de ce débat pour réinvestir de façon positive leur engagement dans la dynamique de communion et de témoignage commun à la société proposé par la FPF.
Source : BIA (Bulletin d’information adventiste)