De nos jours, le jargon abrégé abonde dans les textos. J’admets être lente à comprendre les changements culturels, mais je suis capable d’en interpréter quelques-uns du genre a+, mdr, jsp, etc.
Les rapports de recherche médicale sont eux aussi remplis d’abréviations que j’ai encore plus de difficulté à suivre. J’en ai trouvé une, cependant, que je trouve plutôt accrocheuse : LFV pour légumes à feuilles vertes.
Bien qu’ils soient probablement les aliments les plus riches en nutriments sur la planète, les LFV sont les aliments les moins consommés aux États-Unis. En fait, l’Américain moyen âgé de 1 à 30 ans ne consomme que la moitié d’une portion ou moins de LFV par jour. À 51 ans, il en mange une portion par jour, ce qui est toujours bien en deçà des deux à deux portions et demie recommandées quotidiennement.1 Plus précisément, les garçons âgés de 9 à 13 ans et les filles âgées de 14 à 18 ans sont les groupes dont l’apport en légumes est le moins élevé. Les Américains dans l’ensemble ne respectent les recommandations de consommation de légumes d’aucun sous-groupe, sauf peut-être pour les légumes racines grâce aux pommes de terre frites.
Des mines d’or nutritionnelles
Les LFV sont des mines d’or nutritionnelles. Ils ont même le pouvoir de ralentir le vieillissement. Une vaste étude de 960 participants âgés de 58 à 99 ans a révélé que la consommation d’une seule portion (une demi-tasse de légumes cuits ou une tasse de légumes crus) de LFV par jour ralentissait le déclin cognitif, « l’équivalent d’être onze ans plus jeune ».2
Une méta-analyse publiée en 2016 a examiné huit études de 540 000 sujets, dont 26 173 souffraient d’une maladie cardiovasculaire (MCV) connue. Les chercheurs voulaient savoir si une augmentation de la consommation de LFV réduirait considérablement l’incidence de MCV. Les résultats suggèrent que oui. Les chercheurs ont découvert que les LFV avaient un potentiel de protection cardiovasculaire multifactorielle.3
Et parmi ces facteurs, il y a la liaison de l’acide biliaire. La bile joue un rôle important dans la digestion en décomposant les globules gras. Comme la bile est faite de cholestérol, l’excrétion de bile liée est capable d’abaisser les taux de cholestérol. Cependant, le rôle de la bile est bien plus important et complexe que la simple digestion de gras. L’acide biliaire agit comme molécule de signalisation. Des récepteurs d’acide biliaire ont été trouvés sur des tissus cardiovasculaires, permettant à la bile d’avoir un effet direct sur les fonctions cardiovasculaires. Elle peut ainsi modifier le rythme cardiaque et la dilatation des vaisseaux sanguins, et donc, améliorer la circulation.4
De plus, les LFV améliorent l’élasticité des vaisseaux sanguins et sont une grande source de minéraux, comme le magnésium, essentiel à l’optimisation de la santé et des fonctions cardiaques. Les carences en magnésium sont associées à l’hypertension, aux MCV, à la résistance à l’insuline et au syndrome métabolique.5
Les LFV contiennent aussi des composés appelés « thylakoïdes », essentiels au processus de photosynthèse. Plus les LFV sont foncés, plus ils sont concentrés en thylakoïdes, qui contiennent de puissantes substances bioactives comme la vitamine E, la vitamine K, des pigments et des antioxydants comme la chlorophylle, les caroténoïdes, la zéaxanthine et la xanthophylle.6
L’ingestion de thylakoïdes a été associée à la suppression de la faim, des fringales et des pensées axées sur la nourriture. Des repas ont été accompagnés de suppléments de thylakoïdes, après quoi les chercheurs ont mesuré les hormones régulatrices de l’appétit. Certaines hormones nous font penser à la nourriture et nous disent « Nourris-moi ! » tandis que d’autres nous disent plutôt, « Non merci, je n’en veux plus, j’ai assez mangé. » Ces hormones sont principalement produites à l’intérieur du ventre.
La cholécystokinine (CCK) est une hormone qui entraîne la sécrétion d’enzymes et de bile de la vésicule biliaire et qui réprime l’appétit. Les fois où les participants ont reçu un placébo avec leur repas, les chercheurs ont observé une augmentation normale de la sécrétion de CCK environ 30 minutes après le repas. Mais lorsqu’il a été complété par des thylakoïdes, un autre pic de CCK était observé quatre heures après le repas. L’appétit et l’intérêt pour les aliments gras et sucrés étaient alors réprimés. Les hormones qui réduisent et celles qui augmentent l’appétit étaient observées tant à la suite des repas riches en glucides ou en lipides lorsqu’ils étaient complétés par des thylakoïdes.7
D’autres études portant sur le même sujet ont examiné les mécanismes plus en profondeur et découvert que les thylakoïdes demeurent dans l’estomac et les intestins plusieurs heures avant d’être désintégrés. Ce délai retarderait la digestion et l’absorption des gras et permettrait aux produits digestifs d’atteindre l’iléon distal, où ils stimulent la sécrétion d’hormones de satiété comme la CCK sur une plus longue période.
Une autre étude a révélé que la supplémentation de thylakoïdes réprimait les fringales, augmentait la sensation de satiété et réduisait l’appétit trois heures après un repas. Fait intéressant, les chercheurs ont observé une hausse de la sécrétion de CCK justement trois heures après le repas. Ils ont également noté que les thylakoïdes et la hausse de la CCK étaient liés à une réduction de l’envie de manger et des pensées axées sur la nourriture et à l’augmentation du sentiment de satiété.8
Bien que les salades crues et les smoothies verts soient une excellente façon de consommer des LFV, leur cuisson est également valable, surtout à la vapeur. Elle améliore la liaison de la bile des feuilles de chou vert, du chou frisé, des feuilles de moutarde, du brocoli et du chou.9 Choisissez des légumes vert foncé de la liste ci-dessus ou d’autres LFV comme les épinards, la roquette, le pak-choï, la bette à carde, les feuilles de betterave, le cresson et la laitue romaine.
Traduction : Marie-Michèle Robitaille
1. U.S. Department of Health and Human Services, “Shifts Needed to Align With Healthy Eating Patterns,” in Dietary Guidelines for Americans 2015-2020, 8th ed., https://health.gov/our-work/food-nutrition/2015-2020-dietary-guidelines/guidelines/chapter-2/a-closer-look-at-current-intakes-and-recommended-shifts/.
2. Martha Morris et al., “Nutrients and Bioactives in Green Leafy Vegetables and Cognitive Decline: Prospective Study,” Neurology 90, no. 3 (2018): e214–e222, doi: 10.1212/WNL.0000000000004815.
3. Richard Pollock, “The Effect of Green Leafy and Cruciferous Vegetable Intake on the Incidence of Cardiovascular Disease: A Meta-analysis,” JRSM Cardiovascular Disease 5 (2016), doi: 10.1177/2048004016661435.
4. Sandeep Khurana et al., “Bile Acids Regulate Cardiovascular Function,” Clinical and Translational Science 4, no. 3 (2011): 210–218, doi: 10.1111/j.1752-8062.2011.00272.x.
5. Pollock, “The Effect of Green Leafy and Cruciferous Vegetable Intake.”
6. Charlotte Erlanson-Albertsson and Per-Åke Albertsson, « The Use of Green Leaf Membranes to Promote Appetite Control, Suppress Hedonic Hunger and Lose Body Weight, » Plant Foods for Human Nutrition 70, no. 3 (2015): 281–290, doi: 10.1007/s11130-015-0491-8
7. Albertsson and Albertsson, « The Use of Green Leaf Membranes.”
8. E. Stenblom et al., « Supplementation by Thylakoids to a High Carbohydrate Meal Decreases Feelings of Hunger, Elevates CCK Levels and Prevents Postprandial Hypoglycemia in Overweight Women, » Appetite 68 (2013), doi: 10.1016/j.appet.2013.04.022.
9. Candida J. Rebello et al., “Acute Effects of a Spinach Extract Rich in Thylakoids on Satiety: A Randomized Controlled Crossover Trial,” Journal of the American College of Nutrition 34, no. 6 (2015), https://doi.org/10.1080/07315724.2014.1003999.