22 janvier 2024 | Californie, USA | La Sierra University | Traduction et adaptation BIA-ANN
Marlene Ferreras, professeur adjoint de théologie pratique à l’école de théologie H.M.S. Richards de l’université La Sierra, a remporté le prix de l’initiative théologique hispanique pour son livre « Insurrectionist Wisdoms : Toward a North American Indigenized Pastoral Theology » (approximativement : Sagesses insurrectionnelles : vers une théologie pastorale indigène nord-américaine). Ce prestigieux prix, décerné pour la première fois à un universitaire adventiste du septième jour, reflète la qualité de la formation dispensée à l’école de théologie H.M.S. Richards et met en lumière l’importance d’étudier les dimensions théologiques des mouvements d’activisme social.
Le livre de Mme Ferreras est le fruit d’une recherche de trois mois dans le Yucatán, au Mexique, où elle a recueilli les témoignages de travailleuses mayas exploitées dans les usines de fabrication de maquilas[1] multinationales. Ces usines, arrivées dans la région dans les années 1980 suite à des accords de libre-échange, ont dévasté l’économie locale et perturbé le mode de vie traditionnel des habitants.
Les femmes interrogées par Mme Ferreras ont décrit leurs conditions de travail difficiles : salaires dérisoires, horaires chargés, surveillance constante, abus et blessures. Une jeune fille de 18 ans, sous le pseudonyme de Sofia, s’est soumise aux pressions de l’usine pour gagner de l’argent alors que son père refusait de soutenir son éducation. Une travailleuse nommée Paloma parle de la douleur qu’elle ressent quotidiennement à cause du travail répétitif avec de grosses machines dans une usine bruyante. Veronica raconte avoir été intentionnellement frappée avec un chariot par un superviseur de l’usine alors qu’elle était enceinte de six mois.
Malgré ces conditions difficiles, certaines femmes ont utilisé leur emploi dans la maquila pour offrir un meilleur avenir à leurs filles en dehors de l’usine. Elles ont fait preuve de résistance face aux impacts destructeurs de la cupidité et de la menace pour leur communauté, illustrant ce que les femmes zapatistes appellent la « ciencia de la lucha », ou la science de la lutte pour un avenir désiré.
Les entretiens avec les couturières de l’usine ont failli ne pas avoir lieu. Ferreras a découvert leur communauté isolée par hasard, après avoir été informée par un responsable de l’église locale que ces femmes ne lui parleraient jamais de leurs expériences. Grâce aux relations d’un collègue, elle a finalement pu passer trois mois dans cette région où de nombreuses femmes étaient désireuses de raconter leur vécu.
Dans son livre, Mme Ferreras, elle-même d’origine cubaine, cherche à comprendre la souffrance de ces femmes et sa propre complicité dans cette souffrance. Elle écrit : « En tant que théologienne pastorale, je cherche à comprendre la souffrance du « grand nombre » et ma complicité dans cette souffrance, non seulement pour mieux soigner, mais aussi pour tenter de retrouver ma propre humanité. Il y a quelque chose dans mon corps et dans mon âme qui m’a conduit à ce projet ».
L’auteur propose de nouvelles directions de pensée pour la théologie pastorale, en s’appuyant sur les expériences des femmes latino-américaines de la classe ouvrière, largement absentes de la littérature existante en théologie pratique et pastorale. Son objectif est d’équiper les futurs soignants et pasteurs avec des formes de soins plus adéquates pour mieux accompagner les personnes dans leur souffrance et découvrir « les façons surprenantes dont Dieu vit parmi nous et entre nous ».
Mme Ferreras attribue sa volonté d’explorer de nouvelles approches théologiques à ses années de licence à l’université La Sierra, où elle a étudié sous la tutelle de théologiens renommés qui l’ont aidée à voir « à quel point la théologie pouvait être amusante » et comment explorer des questions de manière prudente.
À la Divinity School, elle guide maintenant ses propres étudiants dans des cours sur le leadership pastoral et l’accompagnement des congrégations. Elle s’inspire des méthodes de recherche de son livre pour enseigner l’utilisation de l’ethnographie comme outil permettant aux pasteurs d’être plus attentifs aux différents niveaux de souffrance vécus par les femmes latino-américaines de la classe ouvrière et d’autres personnes marginalisées.
En associant le féminisme transnational, l’ethnographie et la théologie chrétienne, Mme Ferreras souhaite aider ses étudiants à analyser et évaluer de manière critique les situations avant de proposer des solutions. Elle envisage ainsi le développement d’un corpus croissant de littérature en théologie pratique latino-américaine, informée par les épistémologies du Sud, pour combler le manque d’informations sur la vie et l’expérience des femmes indigènes et des Latinas en matière de soins et de conseils pastoraux.
En conclusion, le livre « Insurrectionist Wisdoms » de Marlene Ferreras apporte un éclairage précieux sur les luttes des travailleuses mayas au Mexique et ouvre de nouvelles perspectives pour une théologie pastorale plus inclusive et attentive aux voix des personnes marginalisées. Son travail, récompensé par le prix de l’initiative théologique hispanique, contribue à enrichir la réflexion sur les dimensions théologiques de l’activisme social et inspire une nouvelle génération de soignants et de pasteurs.
[1] Type d’usine qui se situe à la frontière nord du Mexique, ou parfois ailleurs en Amérique Centrale, et qui assemble à bas coût des produits d’exportation.–
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