Battle Creek, Michigan, États-Unis | Alberto R. Timm, White Estate
Comme le veut la pratique depuis quelques années, le Concile Annuel de l’Église Adventiste du Septième Jour de 2018 s’est ouvert avec une Conférence sur le Développement et l’Éducation du Leadership (LEAD). Les dirigeants de l’Église et les érudits ont présenté des sujets qui, cette année, ont mis l’accent sur l’histoire de l’Église Adventiste du Septième Jour. Cela semble approprié, car les membres du Comité Exécutif de la Conférence Générale présents au Concile Annuel se sont réunis à Battle Creek, dans le Michigan (États-Unis), un lieu étroitement lié aux débuts de la dénomination. Ci-dessous, une présentation faite le 12 octobre par Alberto Timm, directeur adjoint du White Estate (Fondation Ellen White), dans laquelle ont été discutées certaines leçons que les Adventistes du Septième Jour peuvent tirer des hauts et des bas de l’expérience Adventiste à Battle Creek. La présentation d’Alberto Timm a servi d’introduction à la présentation du livre Leçon de Battle Creek (Review and Herald, 2018), qu’il a co-édité avec le directeur du White Estate, James R. Nix. Les éléments de la présentation orale ont été conservés. —Rédacteurs de Adventist Review
Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit lorsque vous entendez le nom « Battle Creek » ? D’un point de vue sociopolitique, le mot « Battle » (bataille) pourrait suggérer qu’une guerre importante a eu lieu quelque part ici. Mais comme l’a indiqué James Nix, il ne s’agissait que d’une bataille entre quatre hommes – deux inspecteurs contractuels du gouvernement des États-Unis et deux Indiens Potawatomi. D’un point de vue commercial, le nom « Battle Creek » est associé à l’entreprise Kellogg’s Company, la puissante multinationale américaine du secteur de la fabrication d’aliments dont le siège se trouve dans cette ville.
D’un point de vue Adventiste cependant, aucune autre ville au monde n’a été le théâtre d’événements aussi importants dans le développement et la consolidation de l’Église Adventiste du Septième Jour que Battle Creek. Ici, vous pouvez laisser votre imagination faire apparaitre Joseph Bates en train de frapper à la porte de David Hewitt – « l’homme le plus honnête de la ville » – et partager avec lui et sa famille le message Adventiste. Vous pouvez voir Ellen G. White écrire ce qu’elle a vu dans sa vision du Grand Conflit en 1858. Ici, vous pouvez regarder nos ancêtres dans la dénomination choisir le nom « Adventiste du Septième Jour »; organiser la Conférence Générale; ouvrir d’abord le Western Health Reform Institute (renommé plus tard Battle Creek Sanitarium), puis le Battle Creek College; et réorganiser notre structure dénominationnelle lors de la Session de la Conférence Générale de 1901. Vous pouvez également observer l’esprit politique et belliqueux qui a débouché sur les étranges « incendies » identifiés par Ellen White comme étant des jugements punitifs de Dieu.
Le nom « Battle Creek » suscite des sentiments mitigés pour nous en tant qu’église. D’un côté, dans cette ville, l’Église a remporté de nombreuses victoires et reçu d’innombrables bénédictions. D’un autre côté, des tensions théologiques et des conflits personnels se sont terminés par de tragiques apostasies, comme ce fut le cas avec D.M. Canright, Franklin Belden, John Harvey Kellogg, A.T. Jones et quelques autres. Comment des gens qui aiment le même Seigneur et qui lisent la même Bible peuvent-ils se combattre avec autant d’amertume ? Qu’est-ce qui peut pousser quelqu’un qui a défendu l’Église à plus tard se battre contre elle et ses doctrines ? Quelles leçons pouvons-nous tirer de toute la saga Battle Creek ?
Dans 1 Corinthiens 10, l’apôtre Paul parle des 40 années de pèlerinage des Israélites dans le désert (versets 1 à 10), puis ajoute aux versets 11 à 13 (LSG) : « Ces choses leur sont arrivées pour servir d’exemples, et elles ont été écrites pour notre instruction, à nous qui sommes parvenus à la fin des siècles. Ainsi donc, que celui qui croit être debout prenne garde de tomber ! Aucune tentation ne vous est survenue qui n’ait été humaine, et Dieu, qui est fidèle, ne permettra pas que vous soyez tentés au-delà de vos forces ; mais avec la tentation il préparera aussi le moyen d’en sortir, afin que vous puissiez la supporter. »
Paul a encouragé ses lecteurs à se familiariser avec l’histoire du peuple de Dieu et à en tirer des enseignements. George Santayana (1863-1952) a lancé cet avertissement : « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter. » Si c’est le cas, nous pourrions nous poser quelques questions : qu’est-ce qui nous a amenés ici à Battle Creek ? Sommes-nous vraiment intéressés à être inspirés et à apprendre de notre passé ?
Permettez-moi de souligner quelques leçons qui, à mon avis, sont très importantes pour nous tous.
1. Notre histoire, imprégnée de luttes et de tensions, ne peut être comprise que dans le cadre du grand conflit cosmique et historique entre le bien et le mal. Ce cadre peut nous aider à dévoiler quelques-uns des chapitres les plus complexes de notre histoire et devrait nous aider à comprendre que la prière et la spiritualité, aussi importantes soient-elles, ne signifie pas qu’il y a infaillibilité. Le fait que le Seigneur ait parlé à travers Balaam (Nombres 22-24) et que Satan ait incité Pierre à nier la prédiction au sujet de la croix faite par Christ (Matt. 16:21-23) devrait nous rappeler que nous sommes tous des êtres humains faillibles dont la force ne se trouve que dans le Seigneur.
2. Notre autorité – qu’elle soit spirituelle, académique ou administrative – est directement proportionnelle à notre fidélité à la Parole de Dieu. Le Saint-Esprit a accordé à l’Église différents dons, talents et fonctions (1 Cor. 12; Eph. 4:11-16), et nous devrions respecter nos dirigeants (1 Thess. 5:12-14; Heb. 13:17). Mais notre autorité n’est pas inhérente à nous-mêmes ; elle découle de Dieu et de Sa parole infaillible. Selon Alister E. McGrath, « les réformateurs ont soutenu que l’autorité au sein de l’église ne découle pas du statut de ceux qui occupent les fonctions, mais de la Parole de Dieu au service de laquelle est le responsable. » Cela signifie que mes décisions et nos décisions « ne font autorité et ne sont contraignantes que dans la mesure où elles sont fidèles à l’Écriture. »
3. Dans les écrits inspirés, nous trouvons des lois / normes, des principes et des conseils qui devraient demeurer comme tels. Un élément crucial pour toute interprétation des écrits inspirés – les Saintes Écritures et les écrits d’Ellen White – est d’identifier et de faire la distinction entre (1) les lois / normes, (2) les principes et (3) les conseils. Les libéraux ont tendance à abaisser les lois / normes au niveau de simples conseils. Les fanatiques ont tendance à élever les conseils au niveau des lois / normes. Nous devrions donc permettre à chacune de ces trois catégories de rester telle quelle, sans les déplacer dans une catégorie à laquelle elles n’appartiennent pas. Ce n’est pas une tâche facile, mais cela peut nous aider à éviter de nombreuses tensions doctrinales, théologiques et administratives.
4. De nombreuses crises au sein de l’Église sont aggravées par notre tendance humaine à exagérer nos causes. Le « courbage du bâton » est une technique de travail du bois qui consiste à courber un morceau de bois vers un extrême de manière à ce qu’il se retrouve finalement droit. Cela peut bien fonctionner avec des morceaux de bois et même des arbres, mais pas nécessairement avec la vérité et les principes. Comme l’ont bien exprimé William Strunck Jr. et E.B. White dans leur ouvrage bien connu, The Elements of Style, « Lorsque vous exagérez, les lecteurs seront immédiatement sur leurs gardes, et tout ce qui a précédé votre déclaration exagérée ainsi que tout ce qui suit susciteront de la suspicion dans leur esprit parce qu’ils auront perdu confiance dans votre jugement ou votre sérénité. » Et c’est encore pire lorsque les gens se collent à chacun des étiquettes.
5. Nous devrions être suffisamment matures pour traiter des problèmes extrêmement controversés sans confondre les problèmes (qui doivent être traités) et les personnes (qui devraient être aimées). Dans un monde caractérisé par la compétition, les êtres humains ont tendance à saper la réputation de ceux qui ne sont pas d’accord avec leur manière de voir. Les tensions autour de certaines questions peuvent facilement devenir des guerres de personnalités, avec des gagnants et des perdants ! Rappelez-vous que même les disciples de Jésus ont cherché à savoir qui était le plus grand parmi eux (Marc 9:33-34). Peu de temps après, deux des disciples l’ont approché avec une demande politique : « Accorde-nous, lui dirent-ils, d’être assis l’un à ta droite et l’autre à ta gauche, quand tu seras dans ta gloire. » (Marc 10:37, LSG).Mais Jésus a répondu : « Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands les dominent. Il n’en est pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu’il soit votre serviteur ; » (Marc 10:42, 43, LSG).
6. Nous ne devrions jamais perdre de vue la direction divine. Mais malheureusement, tout au long de notre histoire, nous avons eu trop de personnes qui se sont comportées comme des « sauveurs » auto-proclamés de l’Église. N’oubliez jamais que nous n’avons qu’un seul Sauveur et Seigneur, qui est Jésus-Christ, et qu’Il prend soin de son Église ! Ellen White a écrit en 1892 : « Nous n’avons pas à douter ou à craindre que le travail ne réussisse pas. Dieu conduit son œuvre, et Il mettra toutes choses en ordre. Si certaines choses doivent être ajustées à la tête de l’œuvre, Dieu y veillera, et redressera tout tort. Ayons foi en Dieu qui va conduire à bon port le noble navire où le peuple de Dieu s’est embarqué. » Quelque dix ans plus tard, elle a écrit à ceux qui travaillaient auprès des anciens esclaves dans le Sud : « Des difficultés surgiront qui mettront à l’épreuve votre foi et votre patience. Affrontez-les bravement. Regarder le bon côté des choses. Si le travail est entravé, assurez-vous que ce ne soit pas de votre faute, puis avancez en vous réjouissant dans le Seigneur. »
N’est-ce pas un bon conseil pour nous aussi ? Les six points que je viens de mettre en lumière sont de nature plus générale. N’aurais-je pas pu être un peu plus précis dans mon approche, en allant même jusqu’à donner quelques exemples pour illustrer mes propos ? Oui j’aurais pu. Mais j’ai volontairement décidé d’aborder le sujet d’un point de vue plus général. Pourquoi ? Parce que ce n’est pas la fin de ma présentation. Aujourd’hui, nous dédions le livreLeçons de Battle Creek (Lessons from Battle Creek, Review and Herald, 2018), qui vient d’être publié à l’occasion de cette conférence ! Il contient les versions révisées et mises à jour de tous les documents et discours présentés lors des Rencontres de Printemps de la Conférence Générale de 2013 ici à Battle Creek.
Avant de poursuivre avec la dédicace de ce livre très perspicace, je voudrais lire la déclaration suivante d’Ellen G. White : « Ces récits [ceux qui soulignent la foi de l’apôtre Paul] n’ont pas été écrits seulement pour être lus et admirés, mais pour que la foi qui habitait les serviteurs de Dieu autrefois puisse aussi nous habiter. Lorsque le Seigneur trouve des cœurs disposés à être des canaux de sa grâce, il agit aujourd’hui d’une façon tout aussi éclatante qu’alors. »
Traduction: Patrick Luciathe