2 juillet 2022 | Adventist World du mois de juin
Êtes-vous prêt à rejoindre la communauté de ceux qui aspirent à ce qui leur manque encore ?
Pourquoi est-ce que je me sens timide, quelque peu embarrassé même, de dire « Il n’est pas ici » ? On a l’impression que prononcer ces mots dans les milieux chrétiens est tabou. L’idée que Dieu est présent est tellement ancrée dans notre pensée, dans les sermons, les témoignages et les chants que nous semblons avoir du mal à reconnaître que celui-ci peut être caché et silencieux.
Pourtant, je parle régulièrement avec des croyants qui trouvent la vérité en disant aussi « Il n’est pas ici ». Et je vois des jeunes quitter l’Église parce qu’on leur a dit qu’ils devraient faire l’expérience de la présence de Dieu dans leur vie. Mais alors qu’ils s’efforcent de répondre aux attentes, ils ne trouvent que le contraire – son absence. Son silence et sa discrétion sont vécus comme une défaite personnelle et spirituelle. Si la présence de Dieu est un signe de sa faveur, mais qu’ils ne ressentent que son absence, alors à quoi bon continuer dans la foi puisque Dieu leur a tourné le dos ?
LE CARACTÈRE CACHÉ DE DIEU DANS LES ÉCRITURES
Tandis que je lis les prophètes, je constate qu’ils ont été confrontés à des questions similaires. En fait, ils pouvaient être assez francs au sujet du silence et de la dissimulation de Dieu. Si vous ne l’avez pas remarqué, jetez un coup d’œil aux exemples suivants, entre autres : Ésaïe 45.15 ; 59.1,2 ; Ézékiel 39.21- 24,27-29 ; Daniel 8.13 ; Habakuk 1.2 ; Zacharie 7.11-14. Oui, les raisons du silence et de la dissimulation de Dieu sont complexes. Selon Deutéronome 31.17,18, Dieu peut cacher sa face à cause des péchés des hommes. Mais les fils de Koré protestent et affirment qu’ils n’ont pas péché au point de mériter le silence et la dissimulation de Dieu (Ps 44.19-21,25,26).
Et Jésus ? Sur la croix, il a lui-même emprunté ces paroles douloureuses de David : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Mt 27.46 ; voir Ps 22.2*) Au tombeau vide, l’affirmation des anges « Il n’est pas ici » – trois fois consignée (Mt 28.6 ; Mc 16.6 ; Lc 24.5, NBS) – résume la victoire de Christ sur la mort. Et ça, nous pouvons le célébrer. Mais qu’en est-il de la première partie de l’affirmation des anges lors de l’ascension de Jésus, à savoir qu’il nous a été enlevé (Ac 1.11) ? Jésus lui-même a dit : « Si vous m’aimiez, vous vous réjouiriez de ce que je vais au Père ; car le Père est plus grand que moi. » (Jn 14.28) Et puis, nous avons l’énigme de Jean 16.7 : « Cependant je vous dis la vérité : il vous est avantageux que je m’en aille, car si je ne m’en vais pas, le consolateur ne viendra pas vers vous ; mais, si je m’en vais, je vous l’enverrai. »
Y a-t-il vraiment un avantage à ce que le Christ s’en aille ? Quelle place y a-t-il dans notre foi pour que nous confessions, nous aussi, « Il n’est pas ici » et « Il a été enlevé » ? Pour que nous affirmions que Dieu est silencieux et caché ?
COMMENT FAIRE FACE À L’ATTENTE
La promesse que Jésus reviendra aussi concrètement qu’il est parti est toujours une promesse non réalisée. Après 2 000 ans, il est raisonnable de demander combien de temps nous devrons encore attendre (voir Es 6.11 ; Dn 8.13;12.6 ; Ha 1.2 ; Za 1.12 ; Ap 6.10). Au cours de l’histoire, les chrétiens ont eu des réactions différentes à cette promesse non réalisée.
Le premier mouvement chrétien est né dans le vide qui a suivi l’ascension de Jésus. Sa croissance explosive a été motivée par un désir intense du retour du Christ. Mais au fil des décennies et des siècles, l’Église s’est installée dans ce monde. Le centre d’intérêt s’étant déplacé, elle dut fournir une expérience de la présence de Dieu. Certains prétendirent que Jésus était déjà revenu de manière invisible et que le millénium avait déjà commencé. On dit aux gens que le corps et le sang du Christ étaient réellement présents dans le pain et le vin. De cette manière, Dieu était omniprésent. Les exercices spirituels étaient censés donner le sentiment de sa présence. Le retour de Jésus était expliqué comme étant la rencontre que tout le monde fait à sa mort – à travers l’immortalité de l’âme. Le clergé et les autres chefs spirituels pouvaient se substituer au rôle du Christ et du Saint-Esprit dans la vie des croyants. Mais les rituels impressionnants, les traditions chéries, la littérature sophistiquée, l’architecture exquise, l’art et la musique – tout ça ne peut répondre à l’aspiration la plus profonde de nos cœurs.
NOUS ATTENDONS ENCORE
L’Église adventiste est née à une époque où la nostalgie intense du retour du Christ était au premier plan des idées et des courants… Se pourrait-il que nous soyons et ayons été séduits, nous aussi, par la satisfaction d’être établis dans ce monde par des bâtiments, des institutions, l’effectif de l’Église, ou la vérité que nous confessons ?
Cependant, il y a de la puissance dans le fait de dire « Il n’est pas ici » mais qu’il reviendra bientôt. Nous avons vu à maintes reprises dans l’histoire une force exceptionnelle dans l’amour et le désir de celui qui doit venir.
Le contraire de la présence, c’est l’absence. Mais pour moi, la Bible semble préférer parler de Dieu comme étant « avec » nous, et du Christ comme étant « en » nous. Les auteurs bibliques n’ont jamais vu de contradiction entre le fait de parler du Dieu caché et silencieux et le fait qu’il est « avec » et « en » nous. Il n’y a aucune incohérence inhérente entre les deux. Que Dieu soit « avec » et « en » nous n’est pas forcément synonyme de la façon dont nous nous sommes habitués à parler de sa présence. Que Dieu se cache ne signifie pas qu’il est absent ! Que Dieu soit silencieux ne signifie pas qu’il n’existe pas ! Et confesser que Dieu est parfois caché et silencieux n’exclut pas qu’il répond aussi aux prières, qu’il agit, qu’il communique et est avec nous ! Nous sommes reconnaissants pour ces signes qu’il nous donne, comme des étoiles brillantes dans les espaces immenses, alors que nous soupirons après le lever du soleil.
L’espérance du retour du Christ n’est pas née d’une insatisfaction, d’un souhait ou d’un besoin, mais des promesses que Dieu nous a faites.
Ce sont les promesses de son retour qui définissent notre espérance.
Au lieu d’être une communauté embarrassée par son silence et sa dissimulation, ne devrions-nous pas plutôt les confesser ouvertement ? Au lieu de créer des problèmes à ceux qui cherchent et de les éloigner de nous, ne devrions-nous pas les accueillir dans la communauté de ceux qui aspirent à ce qui leur manque encore ? Ne devrions-nous pas proclamer plus librement qu’« il n’est pas là » et qu’« il a été enlevé » pour être plus pleinement saisis par le désir et l’espoir qu’il reviendra effectivement ? Ne devrions-nous pas reconnaître librement que l’essentiel nous manque encore dans la vie, que nous vivons encore en exil ? Nos cœurs ne seront jamais apaisés tant que nous ne pourrons pas partager une communion directe avec lui, tant que nous ne pourrons pas converser avec lui dans la fraîcheur du jour et le voir face à face. Alors, ce jour-là, nous pourrons enfin dire :
« Voici, c’est notre Dieu, en qui nous avons confiance, et c’est lui qui nous sauve ; c’est l’Éternel, en qui nous avons confiance ; soyons dans l’allégresse, et réjouissons-nous de son salut ! » (Es 25.9)
* Sauf mention contraire, toutes les citations des Écritures sont tirées de la version Louis Segond 1910.
Kenneth Bergland est pasteur des congrégations Vesterålen et Harstad dans le nord de la Norvège, où il habite avec Marianne, sa femme, et Åsne, leur fille.
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